Entretien

Publié le 26/05/2021

Entretien avec Winshluss - "J'ai tué le soleil"

Alors que la maladie a rayé de la carte une grande partie de l’humanité, Karl se bat pour survivre.
Sur une terre redevenue sauvage, il doit se comporter comme un animal solitaire. Croiser d’autres survivants va changer son destin… même si sa vraie nature et son passé vont le rattraper.

 

Dans J’ai tué le soleil, votre personnage principal, Karl, affronte la fin du monde mais aussi une pandémie, quand en avez-vous eu l’idée ?
C'est un projet que j’ai commencé à écrire il y a six ans. J'étais content de mes trouvailles, la vie en qua­rantaine, tout ça. Puis je me suis fait voler mon découpage dans le train. J'ai dû tout reprendre à zéro. Après avoir réalisé le film Hunted (2020), je me suis remis à dessi­ner J’ai tué le soleil. En France, on vivait le premier confinement. Mon scénario était trop raccord avec l'actualité, j’ai viré ce qui était trop proche, j’ai éludé. La pandémie est juste en fond, ce n'est pas le sujet du bouquin. Le scénario a évolué, pour moi, il est hyper important d'être en accord d'un point de vue émotionnel avec ce que je produis. Je fixe un cadre puis je l’explose.

La construction de J’ai tué le soleil est brillante : la première partie est un récit post-apocalyptique, puis on en apprend plus sur Karl, votre héros.
C'est comme un récit muet sur cent pages et après, un journal ultra-bavard. L’histoire est née d'une réflexion : un sociopathe, si l'humanité a disparu, reste-t-il un sociopathe ? Mon idée était donc de construire un personnage et ensuite de le déconstruire. Au début, tu es en empathie avec lui, il s’agit d'un récit survivaliste, donc tu as envie de l'accompagner. Cela devient malaisant quand tu comprends qu’il est complètement cinglé... et encore plus dramatique quand tu sais que tout était joué à la base. À la fin, tu as vécu plein de sentiments le concernant. Il est ambigu comme les personnages de Taxi Driver de Martin Scorcese ou Seul contre tous de Gaspar Noé. Je n'aime pas que l'on résume une personne à un acte, la vie est complexe. Un individu, c’est un empilement de plein de choses, un millefeuilles.

On sent que vous prenez du plaisir à dessiner la fin du monde.
C'est le paradoxe de mon boulot : même s’il paraît sombre, il y a une grande part de jeu. Avec ce projet, j'ai pris le même plaisir qu’un gamin qui construit une cabane dans les arbres. J'ai dessiné comme si j'avais 16 ans, un style que j'ai eu quand je lisais les magazines Métal Hurlant ou l’Écho des Savanes spécial USA. Par exemple, j'adore Richard Corben, j'ai toujours été fasciné par son dessin très brut et en même temps délicat. Ce qui m'intéressait, c'était de déployer toute cette éner­gie de série B seventies grandiose. Je pense que l'on peut écrire des histoires épiques, bigger than life, pour revenir, en fait, à quelque chose d'intime.

On retrouve aussi votre humour sombre.
Ce n’est pas parce que, avec mon récit, je fais une démonstration qu’il ne faut pas se marrer en cours de route et prendre du plaisir. Même dans les moments les plus dramatiques, pendant un enterrement par exemple, on a toujours envie de rire à un moment ou un autre.

Pourquoi ce titre ?
En 2015, j'ai peint un tableau, The Man who killed the sun, une sorte d'autoportrait de moi en slip avec une kalach'. Et puis, j'ai composé une chanson pour mon groupe, Brutuss64, Falling Dawn, où il s’agit d'une histoire similaire. Un mec entre dans un supermarché, tue tout le monde, se met une balle dans la tête en se disant que c'est le meilleur moyen de tuer le soleil. Je suis vraiment dans l'art total (rires).

Y a-t-il une morale à votre histoire ?
L’artiste est juste là pour poser des questions, certainement pas pour apporter des réponses.

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